Recueil d'interventions de Conférence scientifique et pratique № 2 – Donetsk, 2004

LES AVIONS DU XXIèmeSIECLE

Beliak S., Kapanadze G.A.

На зорі нового тисячоліття лице повітряного транспорту повинно кардинально змінитися: літаки більш великі, швидкіші, які дбають про навколишнє середовище та відносять сотні пасажирів на інший край Землі і, навіть, до космосу...

Sans grand risque de se tromper оn peut penser que le début du XXI siècle verra naître des avions de transport plus gros que les plus gros avions actuels, capables de transporter quelque 800 passagers, voire plus. Ou des avions volant à deux fois la vitesse du son, de facon plus économique et plus res pectueuse de l'environnement que l'actuel Concorde franco-britannique. Les premiers seront les successeurs des Boeing 747. Les seconds, du Concorde. Le consortium europeen Airbus Industrie devrait annoncer au début de l'année prochaine le lancement de son programme A 3XX, qui transportera de 650 à 800 passagers jusqu'à 16000 km de distance et devrait entrer en service vers 2005. Une grande aventure industrielle. et financière: le coût du développement avoisinera 50 milliards de francs. Mais il y est probable que l'A 3XX trouvera en face de lui une nouvelle version de l'avion qu'il entend concurrencer, le Boeing 747.

L'ATOUT DE LA FRANCE ET DE GRANDE-BRETAGNE

Quant au Super-Concorde, projet pour après-demain (2015), il devrait emporter de 250 passagers (modèle européen) à 300 (modèle américain), soit de deux fois et demie à trois fois plus que son prédécesseur, sur des distances supérieures à 10000 km, par exemple Los Angeles-Tokyo sans escale.

A condition que d'ici là les motoristes mettent au point des réacteurs moins polluants dans la haute atmosphère, moins bruyants au décollage et à l'atterrissage, moins gourmands en carburant. Et que les constructeurs élaborent des structures à base de matériaux plus légers, composites et alliages métalliques, pour réduire le poids de l'avion.

A ce sujet, les réflexions, de part et d'autre de l'Atlantique, aboutissent aux mêmes estimations, même si l'on in vestit beaucoup plus aux Etats-Unis qu'en Europe. Car la France et la Grande-Bretagne estiment sans doute posséder en Concorde des atouts donc ne disposent pas les Américains. Ces derniers se sont associés aux Russes pour pallier leur retard : en taisant voler de nouveau le Tu-144. rival malheureux de Concorde, ils ont ainsi collecté des données capitales sur le vol des avions de cette taille.

Coût estimé du projet Super-Concorde, 100 milliards de francs. Impossible dans ces conditions que l'Europe et les Etats-Unis se concurrencent pour conquérir un marché qui se limitera à quelques centaines d'exemplaires. Les deux continents seront contraints de coopérer, et même d'accepter d'autres partenaires, asiatiques, par exemple, les Japonais ne cachent pas leurs ambitions. Pour la seule année fiscale 1998-1999, le MITI, ministère japonais pour le commerce et l'industrie, a investi près de180 millions de francs dans les recherches en matière de transport aérien supersonique. A plus long terme, les Chinois ne pourront être absents, même si pour linstant d'autres priorités les mobilisent. L'avion de transport du futur a donc toutes les chances d'être le premier appareil symbole d'une coopération internationale.

Destiné aux voyageurs pressés, le supersonique commercial risque cependant d'être concurrencé par plus petit que lui. Ses principaux clients, les hommes d'affaires, se sont habitués à utiliser les axions de leurs sociétés, qui transportent quelques personnes et sont dotés de tous les moyens de travail nécessaires (télétransmissions, etc). Sans compter qu'ils s'accommodent de petits aérodromes sur lesquels les gros-porteurs ne peuvent atterrir.

C'est cette clientèle-là que visent ies projets d'avions d'affaires supersoniques (sitpersonic business iet, SSBJ). En France, Dassauit Aviation étudie un avion pour huit personnes qui pourrait parcourir à Mach 1,8 près de 7 500 km. Le Falcon supersonique serait un tri-réacteur, afin de franchir les océans sans restriction réglementaire. Il effectuerait le trajet Los Angeles-Sydney (Australie) en sept heures et demie, plus une heure d'escaie pour un avitaillement en carburant à Tahiti.

LES SÉDUISANTES PERSPECTIVES DU FRET

Le transport des passagers ne constitue cependant qu'une partie de l'activité des compagnies aériennes, petites ou grandes. Celui du fret, même s'il ne représente que quelque 20 % de leur chiffre d'affaires, procure des bénéfices nettement supérieurs.

Avec l'accroissement des échanges internationaux, dû à la mondialisation de l'économie, le fret offre des perspectives alléchantes. Au point que des appareils lui sont exclusivement consacrés, comme le Boeing 747 cargo, qui emporte 125 tonnes, ou certains appareils originaires de l'ex-URSS, issus de versions militaires, qui en chargent deux fois plus.

Aussi les bureaux d'études des constructeurs tentent-ils de concevoir des appareils capables de répondre aux besoins prévisibles dans vingt, trente ou quarante années. Quitte à ressortir de leurs canons des projets qui, naguère encore, semblaient "loufoques" aux gens raisonnables, car ils rompaient radicalement avec les concepts classiques, qui avaient au leurs preuves.

Loufoque, le bipoutre ("twin bodv") de Lockheed, du temps où l'américain était l'un des quatre constructeurs qui se disputaient le marché des avions civils? Un fuselage avant de Boeing 747, une aile immense sous laquelle étaient suspendues deux soutes, prolongées par les dérives, et un plan fixe horizontal haut perché : Lockheed n'avait pas craint de flirter avec l'insolite. Ni avec le gigantesque : jusqu'à 600 tonnes de charge marchande. Aux Etats-Unis, la NASA elle-même avait imaginé une aile géante, le Spanloader : trois fois la taille d'un Boeing 747 cargo, huit réacteurs, 750 tonnes de charge.

Le concept de l'avion classique, fuselage et aile, a en effet atteint ses limites aérodvnamiques et mécaniques. Pour assurer la sustentation d'un appareil de 1000 tonnes ou plus, l'aile devrait avoir de telles dimensions qu'il faudrait la renforcer, donc l'alourdir et l'allonger, ce qui accroîtrait sa flexion vers le haut en vol de croisière. Il s'agit donc de trouver autre chose.

D'où l'idée de l'aile volante, sans fuselage séparé, sans "queue" (empennage), qui emporte charge et passagers à l'intérieur même de i'aile, très épaisse, et fournit la portance nécessaire à la sustentation. Inconvénient majeur pour les passagers : ils seront assis en rangs sur toute la largeur de la cabine, et seuls quelques rares privilégiés disposeront d'un hublot. Pour admirer le paysage sur vovolé, les autres devront se contenter d'images sur un écran.

Plusieurs projets de ce type ont donné lieu à des esquisses, qui pourraient d'abord se concrétiser dans leurs applications militaires. Devenus seuls "gendarmes du monde". Les Etats-Unis sont obliges de conduire très vite en tout point du globe des forces importantes en hommes et en matériels. Ce que leur permettent mal leurs movens de transport aérien actuels. Dans une étude prospective publiée en 1996. l'armée de l'air américaine énumerait ses futurs besoins, parmi lesquels un appareil subsotiique de très grande ca pacité et un avion supersonique...

Boeing et Lockheed-Martin se sont portés candidats pour sarisfaire ces demandes. Le premier propose son concept d'aile volante à double cambrure, qui emporterait huit cents personnes pour un usage aussi bien militaire que civil. Par parenthèse, on reconnaît ici la manière de procéder du constructeur de Seattle, dont de nombreux programmes d'appareils civils à succès sont dérivés de projets militaires, ce qui en garantit le financement par l'Etat. Boeing a déjà expérimenté en vol une maquette d'aile volante de 5 m d'envergure...

Quant à Lockheed-Martin, son projet est encore plus révolutionnaire : un appareil à quatre tronçons d'aile réunis deux par deux. Conçu pour le ravitaillement en vol des avions de combat, il pourrait servir aussi à transporter des passagers.

De son côté, l'Europe ne manque pas non pius de projets futuristes. La société française Aérospatiale, par exemple, étudie elle aussi une aile volante. Mais, à l'inverse des firmes américaines, les constructeurs européens n'ont pas la possibilité de mener des études financées par les ministères de la Défense et susceptibles de déboucher sur des versions civiles d'appareils militaires. La vocation de l'aile valante d'Aérospatiale est essentiellement commerciale. Elle devrait logiquement succéder au futur Airbus A 3XX à l'honzon 2030, 2040 ou 2050, et être exploitée pendant quelques décennies.

A MACH 4 DANS DIX ANS

L'aile volante répondra aux besoins du transport de masse. Quant aux amateurs fortunés, avides de sensations fortes, ils pourront s'offrir un plaisir vertigineux, celui du "tourisme spatial". Us décolleraient d'une piste classique sur un appareil à aile delta propulsé par deux réacteurs. En vol, un moteur fusée prendrait le relais des réacteurs pour accélérer jusqu'à une vitesse supérieure à Mach 4 et amener les passagers aux confins de l'espace.

«Le tourisme spatial entrera dans les faits dix ans après que les gens auront fini de rire d'un tel concept», a prédit David D. Ashtord, directeur de la société britannique Bristol Spacepianes. D'autres firmes aéronautiques ou des organismes tels que le centre d'études avancées pour la science et la technologie de l'université de Tokyo considèrent également sans rire un marché qui a déjà fait l'objet de savantes études. En 1890, Clément Ader n'a-t-il pas dû affronter les neurs quand il prétendit faire décoller son Eole à la seule force d'un moteur à vapeur?

RECONNAISSANCE STRATÉGIQUE : L’ERE DU MOTEUR COMBINÉ

La «durée de vie» d'un modèle d'avion commercial est d'une quarantaine d'années, si l'on en juge par des appareils tels que le Boeing 747, qui fut introduit sur les lignes régulières voilà bientôt un tiers de siècle et sera encore longtemps en service. Il en va autrement des avions de combat, qui doivent répondre non pas à des critères de rentabilité, assez aisément définissables, mais à l'évolution des menaces. Or, à l'aube du XXI siècle, la situation géostratégique se caractérise par l'incertitude. Il est donc vraisemblable que les avions de combat en service ou sur le point d'y entrer - F-22 américain, Eurofighter européen, Rafale français, Su-37 russe - équiperont les forces aériennes durant le premier tiers, voire la première moitié de siècle. Ce qui n'exclut pas qu'ils subissent des adaptations au fil des années. Le concept de «mid-life update» (mise à jour à mi-vie) fait d'ailleurs partie intégrante des "fiches programmes" de ces appareils.

Il est toutefois un domaine où l'innovation technologique a toutes les chances de fleurir, c'est celui de la reconnaissance stratégique. Boeing, par exemple, étudierait un appareil hypersonique capable de voler à 30 000 m. à plus de 10 000 km/h, et de franchir 13000 km d'une traite. D'un poids de 200 tonnes au décollage, il serait propulsé par un «moteur combiné» : des réacteurs classiques pour atteindre.

Mach 4, puis un stato-réacteur au-delà de cette vitesse. Contrairement au turboréacteur, le statoréacteur n'utilise pas un compresseur pour comprimer l'air avant son mélange avec le carburant. C'est la vitesse qui fournit la compression, ce qui supprime les parties tournantes du moteur et permet d'atteindre une vitesse très élevée. On sart que les Américains, les Russes, mais aussi les Français, étudient ce type de réacteur. L'ONERA (Office national d'études et de recherches aérospatiales) et la société Aérospatiale sont au premier rang mondial dans ce domaine. Le missile nucléaire français ASMP (air-sol moyenne portée) est d'ailleurs propulsé par un statoréacteur... Constructeurs et motoristes sont d'accord sur un point : l'avenir appartient au moteur combiné dès lors qu'on veut dépasser quelques milliers de kilomètres à l'heure. A plus forte raison affranchir un avion spatial de l'attraction terrestre pour qu'il aille placer en orbite un ou plusieurs satellites, puis revenir se poser sur un banal aérodrome. On passe ainsi du moteur aérobie (turboréacteur at statoréacteur, qui utilisent l'oxygène de l'air, même très raréfié) au moteur fusée, l'engin emportant carburant et oxygène pour fonctionner dans le vide. Comme le font remarquer les spécialistes de la SNECMA, le moteur du futur combinera les trois modes de fonctionnement turboréacteur au décollage, statoréacteur pour accélérer jusqu'à des vitesses multiples de la vitesse du son, moteur fusée ensuite. L'avion de la fin du XXI siècle - de combat ou lanceur de satellites - sera donc un appareil "multirôle", capable de s'affranchir des limites entre l'atmosphère et le vide, qui marquent aujourd'hui une frontière pour l'aviation du XXe siècle.

A L’IMAGE DES OISEAUX

Civils ou militaires, les avions actuels sont une pâle copie des oiseaux pour ce qui est du contrôle en vol. Ils recourent en effet à des gouvernes ou à des dispositifs mobiles pour augmenter la portance des ailes au décollage ou à l'atterrissage, s'incliner pour virer, adapter une assiette à cabrer ou à piquer.

Volets de bord d'attaque (à l'avant de l'aile), volets de courbure (à l'arrière), ailerons pour commander l'inclinaison, stabilisateur vertical et gouverne de direction, plan fixe horizontal et gouverne de profondeur à l'arrière de l'appareil sont autant de surfaces mobiles dont le braquage permet d'obtenir l'effet désiré. Mais les temps de réponse sont parfois assez longs, et surtout il se forme une traînée aérodynamique fort pénalisante. Il y a une trentaine d'années, l'apparition des ailes dites à fiée ne variable avait constitué un premier progrès. Elles permettaient d'optimiser les performances aerodynamiques en fonction de la vitesse, à grand renfort de mécanismes compliqués et au prix d'un surcroît de poids. Dans un proche avenir, on pourrait voir naître des avions de combat sans queue - stabilisateur vertical et gouverne de direction, plan fixe horizontal et gouverne de profondeur étant supprimés. L'orientation de la poussée du ou des réacteurs, grâce à des tuyères d'éjection mobiles, y suppléerait. A plus long terme, c'est la disparition totale des gouvernes qui est programmée. Les ailes s'adapteraient aux conditions de vol, leur forme se modifiant (par épaississe ment du profil ou modification de sa courbure) en fonction de la vitesse, afin d'assurer la portance optimale au décollage, à l'atterrissage, en vol de croisière ou en combat aérien. Ou encore pour amortir les turbulences et améliorer le confort des passagers d'un avion commercial. Des minicapteurs disposes à la surface des ailes mesureraient en permanence les paramètres d'écoulement de l'air autour du profil, dont un calculateur commanderait l'adaptation de la forme. A l'instar des oiseaux, qui modifient gracieusement la courbure ou la surface de leurs ailes quand ils prennent leur envol ou fondent sur leur proie...

Source:
Magazine “Science et vie”, novembre 1998.